Cheval de guerre : Spielberg, l’amitié et la guerre


Cheval de guerre : Spielberg, l’amitié et la guerre

Au fin fond de la campagne anglaise, Albert, jeune homme naïf prend le soin de dresser un cheval, Joey, avec lequel il  noue une amitié exceptionnelle, mais bientôt entravée par l’éclatement de la première guerre mondiale. Joey, séparé de son maitre, se retrouve dans le chaos des combats. C’est l’occasion pour Spielberg de filmer le périple de l’animal et de raconter l’histoire de ceux qui le rencontrent.
Il serait injuste envers Spielberg de dire que  son Cheval de guerre n’a aucun intérêt. L’idée de départ est intéressante puisqu’elle permet de s’éloigner des points de vue habituels que l’on a sur la guerre, pour embrasser celui d’un animal : un cheval en l’occurrence. Il est le personnage principal, celui dont on suit le parcours durant la guerre de 14-18. On est  à la fois sur le front (côté anglais et côté allemand), et à l’arrière (dans une famille française).  Il est en quelque sorte le « miroir que l’on promène le long d’un chemin » : inédit et finalement assez passionnant  pour montrer la vulnérabilité des hommes en temps de guerre (les hommes tombent, l’animal reste).
On avait donc envie d’aimer  Cheval de guerre. Vraiment. Mais ce parti-pris, intéressant en théorie, a aussi de douloureuses contreparties. Adopter le point de vue du cheval cela signifie aussi avoir de l’empathie pour l’animal. Résultat : un anthropomorphisme qui vire (très) souvent au ridicule. Cela est d’autant plus difficile à avaler que les relations entre Joey et ses différents maitres sont teintées  d’une niaiserie incommensurable. Aucun acteur n’y échappe. Si l’on a pu reprocher à Spielberg de trop sombrer dans le sentimentalisme (à tort ou à raison) dans certains de ses précédents films, autant dire que cette fois-ci il arrache l’émotion à gros coups de marteau. La faute à une musique (certes de John Williams…) absolument omniprésente et souvent superflue, des personnages toujours la larme à l’œil, tout cela au premier degré : bref, une émotion bon marché.
L’amitié entre un enfant et un extra-terrestre était bouleversante dans E.T, mais celle entre un cheval et le gamin qui l’a dressé s’embourbe beaucoup trop dans la mièvrerie pour convaincre ( fans de 30 millions d’amis ou de La petite maison dans la prairie exclus) : la déception est immense.
Kelly Brahami