Salon de l'agriculture : 5 conseils aux candidats


ar Léa GIRET, le 24 février 2012 à 19h58
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, mis à jour le 25 février 2012 à 11h41

Salon de l'agriculture : 5 conseils aux candidats

Les principaux candidats à la présidentielle vont arpenter les allées du salon de l'agriculture. Bain de foule, dégustations : une occasion unique de gagner la sympathie de l'électorat. Deux fins connaisseurs du lieu leur donnent quelques conseils pour réussir cet exercice.
Edouard Balladur, candidat embarrassé, tapote le flanc d'une vache, avant de lancer une plaisanterie qui tombe à l'eau. A l'image du premier ministre en 1995, nombreux sont les politiques à ne pas s'être illustrés pour leur aisance au salon de l'agriculture. Et pourtant. Cet hommage au monde paysan est une occasion unique, pour les candidats en campagne, de tester leur cote de popularité ou de casser une image un peu hautaine. Les 650.000 visiteurs attendus sont autant d'électeurs en puissance. Le chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy, a été le premier à se prêter à l'exercice. Il a inauguré le salon samedi, parc des Expositions à Paris. Lui emboîtent le pas François Bayrou dimanche, François Hollande mardi, Jean-Luc Mélenchon, Eva Joly et Nicolas Dupont-Aignan jeudi, Marine Le Pen et Dominique de Villepin vendredi. Plus d'un millier d'exposants présenteront produits et savoir-faire jusqu'au 4 mars. Formidable opportunité pour les candidats, ce rendez-vous de campagne peut aussi tourner au fiasco. Quelle attitude adopter ?

Jouer la carte de la proximité"Il faut être détendu. Si on est coincé, on ne fait de toute façon pas ce métier",résume Henri Nallet, ancien ministre de l'Agriculture socialiste de 1985 à 1986 et de 1988 à 1990. Il faut "tomber le costume-cravate et se montrer proche des gens, discuter avec les agriculteurs, être à l'écoute de leurs problèmes"conseille de son côté Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA de 2001 à 2010. Pour la première fois en près de 40 ans, Jacques Chirac va rater le rendez-vous. L'ancien chef de l'Etat, en congés au Maroc, était le maître incontesté dans l'art de caresser"le cul des vaches". Très populaire auprès du monde paysan, il a toujours été accueilli en vedette dans la "plus grande ferme du monde", se prêtant aux tapotages de bêtes et plaisanteries avec une aisance inégalée. Depuis, le salon de l'Agriculture est une étape incontournable dans la campagne d'un candidat. François Hollande, qui a prévu de rester pas moins de 6h dans les allées, a apparemment l'intention de lui ravir la place de chouchou. Sa visite sera un parcours de santé, prédit Henri Nallet. "Il a un très bon rapport avec les agriculteurs de son département. Il en connaît beaucoup. Au salon, il en retrouvera qu'il connaît déjà", anticipe l'ancien ministre. "Il connaît mieux le monde rural que Ségolène Royal", juge aussi Jean-Michel Lemétayer, président du syndicat agricole en 2007. 
Jacques Chirac au salon de l'Agriculture en 2002.
...Mais maîtriser ses nerfs"Les candidats n'ont pas le droit à l'erreur. Les journalistes sont à l'affût de la petite phrase. Si le candidat a un échange un peu brut avec un paysan, ils vont le relater. Il peut y avoir bavure", juge l'ex-président de la FNSEA. Le "casse-toi pauv' con" de Nicolas Sarkozy à un visiteur, en 2008, cas d'école en la matière, avait coûté politiquement à Nicolas Sarkozy. "Il y a beaucoup de monde, il fait chaud, les nerfs peuvent lâcher", analyse Henri Nallet.
Nicolas Sarkozy au salon de l'Agriculture en 2008.

Manger les produits du terroir et caresser les bêtesPas de salon de l'agriculture sans dégustations. Les politiques s'y livrent en général de bonne grâce, qui avec une tranche de fromage, qui avec son verre de vin rouge. Après l'épisode de 2008, Nicolas Sarkozy avait d'ailleurs peiné à remonter dans le cœur du monde rural : il ne boit pas d'alcool. La pose avec des animaux est également un passage obligé. " Cela donne lieu à des images originales, surprenantes, charmantes, dont les médias sont friands", analyse Henri Nallet. On peut citer Lionel Jospin - alors premier ministre - à qui l'on colle, surpris, un agneau dans les bras en 2002 ou Ségolène Royal qui s'extasie devant un cochon en 2007."Des images amusantes et sympathiques parce qu'elles marquent une distance entre une partie de notre société, urbaine, qui n'a plus d'attaches avec le monde paysan, et ces hommes et femmes qui ont une relation facile, acquise, avec ce milieu. C'est la manifestation spectaculaire que la France est une grande nation agricole", juge l'ancien ministre.
Lionel Jospin au salon de l'Agriculture en 2002.

Et parfois, se faire tout petit Quand ils n'adoptent pas les positions de la majorité des agriculteurs, les candidats se le font aussi signifier très directement. Lionel Jospin, très mal vu juste après la crise de la vache folle, l'a appris à ses dépens en 2001 : il reçoit des œufs sur la tête dans les allées du salon. Jean-Marie Le Pen se fait accueillir par les huées en 2002."C'est un moment où les candidats sont sans filets, sans doute le seul de la campagne où ils peuvent se faire siffler. Tout est possible puisque ils sont des personnes publiques dans un environnement où il y a toute la représentation de la société française", analyse Jean-Michel Lemétayer. "Le ton peut assez vite monter",se souvient Henri Nallet, qui a participé à une quinzaine de salons de l'Agriculture comme politique. Et l'ancien ministre de rappeler le passage sous tensions d'Edith Cresson, ministre de l'Agriculture du gouvernement Mauroy et première femme à ce poste. Mais, ajoute l'ancien ministre, tout se passe en général dans la bonne humeur.
Jean-Marie Le Pen au salon de l'Agriculture en 2002.

 ...Surtout quand on est écoloNoël Mamère qui rase les murs en 2002, Dominique Voynet qui reçoit des tomates en 2007 : le salon de l'Agriculture est un moment traditionnellement difficile pour les candidats écologistes. "Les agriculteurs ont l'impression d'être sur le banc des accusés alors qu'ils font des efforts. Ils ne veulent pas d'une écologie punitive",analyse Jean-Michel Lemétayer. "Je ne suis pas sûr que tous les responsables écologistes aient bien compris que le respect de la biodiversité, des écosystèmes, ça ne se fera pas contre les agriculteurs, mais avec eux", juge Henri Nallet. Et les deux experts de pronostiquer une visite d'Eva Joly, comme pour ses prédécesseurs, potentiellement tendue.
Noël Mamère au salon de l'Agriculture en 2002.